Oxygénothérapie, assistance ventilatoire avancée, points de suture : doit-on intégrer ces interventions avancées à la formation du sauveteur?
Auteur : Comité médical
Version originale en PDF, Magazine Alerte 2014
On n’a de cesse, à la Société de sauvetage, de souligner l’importance pour les sauveteurs de maintenir leurs compétences à jour, de travailler à améliorer les procédures d’urgence ainsi que de pratiquer les techniques de sauvetage et de premiers soins régulièrement. Plusieurs questions se posent à cet égard : quelles formations faut-il absolument suivre? Jusqu’où un sauveteur doit-il aller dans son apprentissage? Est-il nécessaire, par exemple, qu’il soit formé à un niveau équivalent à celui d’un premier répondant ou d’un paramédic?
Les réponses ne sont pas aussi simples qu’on voudrait le croire. Nous sommes tous au courant : les compétences exigées des sauveteurs au travail sont avant tout de prévenir les accidents et d’intervenir en cas d’urgence en allant chercher la personne en détresse dans l’eau. Mais une fois que la victime est hors de danger, jusqu’à quel point faut-il être formé pour effectuer la réanimation et les premiers soins? Est-il nécessaire, au-delà des connaissances sur la RCR et le DEA, d’apprendre à utiliser d’autres outils ou d’autres méthodes pour tenter de sauver une vie? La Société de sauvetage n’est certainement pas contre le perfectionnement par l’entremise de formations complémentaires. Toutefois, une attention particulière doit être portée à l’exposition réelle du sauveteur à de telles situations : rappelons-nous que la majorité des sauveteurs n’auront pas à réaliser un seul sauvetage dans le cadre de leur travail. Malgré cette constatation, nous recevons plusieurs demandes de formations avancées en premiers soins. Penchons-nous donc plus particulièrement sur les trois principales : l’oxygénothérapie, l’utilisation de matériel pour effectuer une assistance ventilatoire ainsi que les points de suture.
Oxygénothérapie
La formation avancée la plus demandée par notre communauté est sans contredit celle d’oxygénothérapie. Même si la présence d’un dispositif d’administration d’oxygène n’est pas obligatoire aux abords des installations aquatiques, on les trouve fréquemment près des piscines, des plages et des parcs aquatiques.
Il est essentiel de savoir que l’emploi de matériel avancé en oxygénothérapie requiert une formation spécialisée complète, de même qu’une exposition régulière à des situations nécessitant son utilisation. En effet, c’est principalement la fréquence d’utilisation de ce matériel qui favorise la rétention et la diminution du risque d’erreur de manipulation. Or, le nombre de cas où ce genre d’équipement est requis sur les plans d’eau surveillés du Québec est nettement insuffisant pour permettre sa manipulation sécuritaire.
Il faut également noter que l’utilisation de l’oxygène requiert une surveillance constante de la saturation en oxygène par oxymétrie de pouls (saturométrie). Dans certaines circonstances, une hyperoxie (trop d’oxygène) ou une hypoxie (manque d’oxygène) peuvent être dangereuses pour la victime. L’hypercapnie (trop de gaz carbonique, communément appelé le CO2) générée par une mauvaise utilisation de certains types de masques peut aussi avoir de graves conséquences sur l’état d’une victime. Signalons également qu’il peut y avoir des contre-indications à l’utilisation de l’oxygène; il va sans dire que l’équipement lié à son administration requiert donc certaines connaissances avancées.
Ce que le comité médical de la Société de sauvetage recommande, c’est l’utilisation d’un dispositif à débit fixe (généralement préréglé à 12L/min) à commande de type marche/arrêt, avec un masque facial simple non réutilisable. Son emploi est simple, et l’équipement ne requiert que peu d’entretien. Conçu pour éviter l’inconfort et la réinspiration des gaz expirés, le masque facial est bien toléré la plupart du temps. Il génère habituellement des concentrations d’oxygène de l’ordre de 40-60 %. Au débit et aux concentrations en oxygène mentionnés, une courte exposition de moins de 30 minutes est acceptable et sans danger pour les victimes en attente de services préhospitaliers d’urgence.
Utilisation d'équipements spécialisés pour assistance ventilatoire avancée
En plus de l’oxygénothérapie, beaucoup de sauveteurs se demandent s’ils doivent se former à l’utilisation d’équipement avancé pour effectuer la réanimation. La Société de sauvetage n’est pas contre l’utilisation de cet équipement : dans le cadre du programme Sauveteur national révisé en 2010, on recommande même d’informer les sauveteurs des avantages de l’utilisation des canules oropharyngées (Guide du certificat). Toutefois, l’emploi d’un tel équipement demande une formation spéciale; par ailleurs, comme pour l’oxygénothérapie, l’exposition régulière à des situations d’urgence exigeant l’utilisation de ce type d’appareil est primordiale. Bien que l’équipement d’assistance ventilatoire avancée permette de dégager les voies respiratoires chez certaines victimes, le mauvais usage de canules oropharyngées ou nasopharyngées est associé à plusieurs complications graves pouvant porter préjudice aux victimes. Leur utilisation demande un grand discernement médical et une bonne habileté technique : les sauveteurs, généralement peu exposés à des situations de réanimation, risqueraient de causer avec cette technique plus de tort que de bien.
L’emploi du ballon-valve-masque (BVM, aussi connu sous le nom commercial d’AMBU™), bien qu’il puisse être sécuritaire pour le sauveteur dans certaines situations très particulières (par exemple lors de l’exposition à des produits chimiques), exige des connaissances techniques et beaucoup de pratique pour ne pas entraîner de complications et/ou de retards durant la réanimation. Par conséquent, nous ne la conseillons pas; nous recommandons plutôt le masque de poche en raison de sa facilité d’utilisation.
L’emploi d’un dispositif de succion buccale ou nasale (manuel ou électrique), même s’il peut minimiser les risques d’aspiration, de sécrétion ou de vomissement chez des victimes inconscientes ou semi-conscientes, nécessite qu’on considère de nombreux aspects médicaux et légaux. Ayant le pouvoir de porter de graves préjudices, ce geste est considéré comme spécialisé (c’est-à-dire réservé au personnel médical) et invasif. Il demande un grand discernement et une bonne habileté technique : une utilisation inadéquate d’un dispositif de succion peut facilement entraîner l’hypoxie. Nous ne la recommandons donc pas non plus aux sauveteurs.
Les points de suture
Depuis une dizaine d’années, la Société de sauvetage donne de la formation en navigation de plaisance : c’est dans le but de devenir autonome sur l’eau que la clientèle de ce programme suit nos cours. Bien qu’il existe une formation de premiers soins en mer, certains de nos étudiants souhaitent aller plus loin. Ils se demandent notamment ce qu’ils pourraient faire s’ils devaient composer avec une coupure profonde à des milles de la côte, là où les soins hospitaliers sont de toute évidence difficiles d’accès. C’est ainsi que nous avons reçu plusieurs demandes pour apprendre à faire des points de suture.
La réparation de plaie par sutures chirurgicales, ou points de suture, est une technique qui devrait être réservée à des professionnels spécialement formés et qui la pratiquent régulièrement. Nous ne recommandons pas l’ajout de cet élément dans un cours du programme de navigation de plaisance – ni dans toute autre formation de la Société de sauvetage – pour plusieurs raisons : l’absence d’avantages liés à cette technique (autres qu’esthétiques), la complexité théorique et pratique des techniques de sutures chirurgicales, ainsi que le risque d’infection augmenté lorsque l’intervention est mal effectuée. Finalement, l’acquisition du niveau de compétence élevé nécessaire serait difficilement réalisable dans ce cadre de formation. Le cyanoacrylate (non disponible en vente libre), aussi appelé colle, méthode de réparation de plaie éprouvée, à moindre risque et facile d’utilisation, en fait une option beaucoup plus réaliste et applicable. Nos étudiants en navigation de plaisance peuvent se rassurer : le cyanoacrylate est utilisable dans toutes sortes de contraintes environnementales!
Pour toutes les techniques que nous venons de présenter, force est de constater que le type et le nombre de victimes par année qui pourrait en bénéficier est quasiment nul et ne permettrait pas au sauveteur de poser ces gestes sans le maintien constant des compétences. La Société de sauvetage a donc décidé de ne pas offrir ces formations. De concert avec notre comité médical, nous recommandons plutôt aux membres certifiés de continuer à pratiquer les premiers soins de base ainsi que les techniques de réanimation simples, y compris l’utilisation du DEA. Toutefois, si un membre certifié détient une formation avancée en soins d’urgence d’une organisation reconnue, il revient à l’employeur d’accepter ou non de mettre en place les techniques et outils, selon son jugement. Aucun moniteur ou formateur n’est cependant autorisé à enseigner ces techniques ou à les pratiquer à l’intérieur d’un cours certifié par la Société de sauvetage.
Veuillez noter que ces prises de position du comité médical seront très prochainement soumises au conseil d’administration de la Société de sauvetage pour approbation.