Mesure des niveaux ambiants et de l’exposition sonore

Auteur : Marc-André Gaudreau, chercheur en acoustique et professeur en génie mécanique au cégep de Drummondville. Il est aussi un ancien moniteur-sauveteur

Version originale en PDF, Magazine Alerte 2012

La mesure du bruit dans les piscines intérieures
Le niveau de bruit ambiant des piscines intérieures peut être très élevé, notamment lors de la présence de jeunes enfants. Si ce bruit est déplaisant pour les usagers, il peut devenir un risque pour la santé des travailleurs, qu’ils soient surveillants, moniteurs ou entraîneurs.

Bruit - Mesure des niveaux ambiants et de l'exposition sonore

Chez les acteurs du milieu aquatique (APSAM, Croix-Rouge, Société de sauvetage, ARAQ), une problématique fait consensus, soit celle de l’interférence entre le bruit ambiant et l’écoute et la communication. Bien que cette problématique constitue une priorité, une étude sommaire a été réalisée afin d’aborder une autre question qui concerne tous les travailleurs du milieu aquatique : le niveau d’exposition au bruit. Cette recherche a été financée par l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (IRSST).

En tout, 11 sujets dans 5 piscines différentes ont été évalués dans leurs fonctions. Les postes évalués sont : surveillants de bain libre, surveillants de cours de natation et entraîneurs.

Les niveaux de bruit ainsi que les niveaux d’exposition mesurés nous montrent que si les travailleurs en piscine avaient des quarts de travail de 8 heures, plusieurs (4 sur 11) dépasseraient le seuil limite fixé, au Québec, à 90 dB(A). Heureusement, aucun de ces travailleurs n’avait à travailler suffisamment longtemps pour que sa dose réelle ne dépasse ce maximum. Par contre, si les normes européennes étaient utilisées (85 dB(A) sur 8 heures), certains travailleurs (3 sur 11) auraient dépassé, durant le temps d’échantillonnage, leur dose quotidienne permise. Rappelons ici que la norme québécoise sur l’exposition des travailleurs au bruit est la plus permissive au monde.

Un résultat important de ces mesures aura été de constater à quel point les travailleurs des piscines intérieures ont à hausser leur voix pour communiquer. Ainsi, les résultats obtenus montrent que lorsque le niveau de bruit ambiant est élevé, ce qui a été mesuré dans 3 des 5 piscines visitées, les postes de travail nécessitant l’usage de la parole obligent les travailleurs à pousser leur voix à des niveaux dosimétriques de plus de 100 dB(A).

Les problèmes liés aux traumatismes de la voix des travailleurs (perte de la voix, développement de nodules sur les cordes vocales) restent
difficiles à évaluer. D’ailleurs, bien que tous les travailleurs ou intervenants du milieu contactés aient, de façon informelle, confirmé avoir perdu, à un moment ou à un autre, la voix lors de leur travail, la CSST ne recense aucun cas de problème vocal indemnisé pour le secteur des piscines. Certains
travailleurs disent pourtant perdre la voix chaque fois qu’ils travaillent. Selon la documentation, la perte de voix et les autres problèmes reliés à la voix sont principalement causés par la nécessité de maintenir sa voix à un niveau élevé pendant une période prolongée. Il est connu et documenté que pour se faire comprendre dans un bruit ambiant élevé, le locuteur doit hausser la voix. On parle déjà d’effort vocal lorsque le niveau de la voix dépasse les 65 dB(A). À des niveaux de bruit ambiant de 80 dB(A), il faut parler très fort et à des niveaux de bruit ambiant de 85 dB(A), il faut crier. Pour des niveaux supérieurs, les individus doivent se rapprocher l’un de l’autre, la limite de la voix étant atteinte pour la plupart des usagers de la piscine. Durant les mesures réalisées lors d’entraînement de clubs de natation, les niveaux ambiants dépassaient 80 dB(A), avec des pointes à plus de 90 dB(A).

En attendant d’améliorer l’acoustique de l’ensemble des piscines intérieures, les travailleurs devraient avoir recours à des stratégies pour communiquer efficacement sans compromettre leur santé. L’utilisation de signaux visuels pour communiquer avec les candidats d’un groupe ou avec les collègues sauveteurs peut s’avérer utile pour économiser sa voix. Lors des cours de mise en forme aquatique, plusieurs
moniteurs ont recours à des systèmes pour amplifier la voix, permettant de communiquer les consignes aux participants plus facilement. Il serait intéressant de transférer ces technologies aux entraîneurs de natation, qui doivent non seulement se faire comprendre dans des niveaux de bruit très élevés, mais également communiquer avec des nageurs ayant la tête submergée et souvent éloignés d’eux.

Améliorer l’acoustique des piscines intérieures


Les problèmes d’acoustique se définissent souvent, à tort, par un problème d’isolation acoustique. Cela est important dans le cas de sources sonores situées à l’extérieur du bâtiment évalué. Dans les piscines intérieures, toutefois, le bruit généré par les occupants est presque toujours supérieur au bruit extérieur. Le problème n’est donc pas un problème d’isolation acoustique, mais bien de qualité sonore.

Le temps de réverbération est important. Il s’agit du temps que met un son à diminuer d’un certain nombre de décibels. Plus les matériaux d’une pièce permettent l’absorption de l’énergie sonore, plus le temps de réverbération sera court (et moins les occupants de la pièce seront dérangés par les bruits produits dans cette pièce). Par contre, si les parois sont réfléchissantes et ne permettent pas l’absorption, chaque bruit aura plusieurs échos et le niveau sonore généré par les bruits d’une pièce sera important. Autre facteur aggravant : plus le bruit est élevé, plus chaque individu devient bruyant.

Il y a des lieux qui, en raison de leurs fonctions intrinsèques, sont voués à une acoustique médiocre, tant par l’importance des dimensions que par le type de revêtement intérieur. Un exemple flagrant est celui des cathédrales où, heureusement, une seule personne parle à la fois. Mais il ne faut qu’un malheureux dévot enrhumé pour venir complètement court-circuiter le sermon du curé.

Dans les piscines intérieures, l’acoustique est généralement similaire à celle des cathédrales, mais l’orateur solitaire y est remplacé par des dizaines, voire des centaines de sources sonores, auxquelles s’ajoute le bruit des clapotis de l’eau, dont le niveau n’est pas négligeable.

Bien que de portée limitée, les résultats préliminaires de cette étude permettent de mettre en lumière la problématique de santé et sécurité au travail reliée au bruit dans les piscines. En prenant conscience du problème, il sera plus facile de prioriser les efforts d’amélioration de l’acoustique des
piscines, réduisant ainsi le risque pour l’audition des travailleurs, mais surtout les risques liés aux interférences entre le bruit et l’écoute et la communication. «

Référence : 

  • Gaudreau, Marc-André; Sgard, Franck; Nélisse, Hugues; Boutin, Jérôme. Bruit dans cinq pisci-nes intérieures. Mesures des niveaux ambiants et de l’exposition sonore. Études et recherches/Rapport R-681, Montréal, IRSST, 2011, 38  pages.